1906-1907 – Inventaire de l’église

L’an mil neuf cent six, le vingt-quatre février, à dix heures du matin, en présence de MM. Pilot, maire de la commune de Jouy-le-Châtel et Fleury, garde-champêtre de la commune de Jouy-le-Châtel

Monsieur le Curé, présent au moment de l’exécution (ouverture), mais déclarant ne pouvoir le signer par ordre de Monseigneur.

Nous, soussigné Dodeman, Percepteur des contributions directes à Jouy-le-Châtel, dûment commissionné et assermenté, spécialement délégué par le Directeur des Domaines de Melun, avons procédé ainsi qu’il suit à l’inventaire descriptif des biens de toute nature détenus par la Fabrique de l’église paroissiale de Jouy-le-Châtel

La Fabrique de l’église paroissiale de Jouy-le-Châtel ne possède aucun bien foncier, mais seulement des titres de rentes sur l’état énumérés ci-dessus.

Il n’existe pas d’armoires à clefs, les troncs ayant été volés, les réparations n’ont pu être faites faute de ressources.

Les registre de baptêmes, mariages existent depuis 1820.

Il n’existe aucune autre pièce d’archives.

L’inscription des rentes sur l’état N°608395, bien qu’au nom de la paroisse appartient au bureau de bienfaisance de Jouy-le-Châtel qui encaisse les revenus et ne figure pas dans les recettes des comptes de la Fabrique.

Aucun délégué ne s’est présenté aux opérations de l’inventaire

Il est joint à l’appui du présent inventaire une protestation du curé desservant.

En conséquence, nous avons clos le présent inventaire contenant 4 rôles, sans renvoi et sans mot rayé le vingt-quatre février 1906, à 3 heures et – du soir, et après lecture faite, nous l’avons signé avec MM. Pilot, maire et Fleury, garde-champêtre.

Signé : Pilot, Fleury, Dodeman

Aucune remise n’a été effectué, en conséquence nous avons clos le procès-verbal contenant 2 rôles sans renvois et un mot rayé et quatre lignes rayées nulles et nous l’avons signé seul, aucun des anciens représentants légaux ou ancien comptable n’ayant comparu.

Signé Bouygneul ?

L’an 1907 le vingt cinq janvier au lieu de l’ancienne fabrique paroissiale de Jouy-le-Châtel, nous avons pris ??? effective des biens ci-dessus désignés à l’exception du titre de rente n° 608395 qui, d’après les déclarations de monsieur le maire de Jouy-le-Châtel et de monsieur le curé de la paroisse, faites et signée ce même jour, n’a jamais été en leur possession et n’appartient pas à l’ancienne fabrique.

Signé Bouygneul ?

La loi qui nous impose l’inventaire peut avoir pour elle la force ; nous avons-nous le droit et la justice. En ce moment, ma pensée se reporte au compte-inventaire de 1790. Il Prépara et précéda de peu le vol des biens de notre fabrique et aussi l’enlèvement d’une partie notable de notre mobilier. Ainsi la période de la Révolution avait-elle laissé notre pauvre église dans un état lamentable. Depuis le Concordat jusqu’à la séparation, nous la voyons réparer ses pertes et aller de réparations en embellissements. De nombreuses et belles verrières vinrent remplacer les vieux débris qui garnissaient les fenêtres. Le dallage de l’église, le chemin de croix, la chaire aux fines sculptures, nos belles tentures rouges, les boiseries au Sanctuaire, les chapelles latérales témoignent du zèle des pasteurs, du dévouement des fabriciens et de la charité des fidèles. Citons parmi mes principaux bienfaiteurs les familles de Sylvestre, des Brunes, Mme Aubaure et M. Liégeois à qui l’on doit les six fenêtres comprises dans les chapelles latérales. Il est vrai qu’alors la municipalité assurait le gros œuvre et particulièrement les couvertures. Malgré le changement des temps, j’ai pu moi-même pour cinq fenêtres dans le style de l’église, dont quatre à mes frais. A mes frais encore, j’ai réparé la toiture de la chapelle de la sainte Vierge, laissée en souffrance par la municipalité. Depuis ce temps et dans la mesure de ses maigres ressources, la fabrique a fait aussi les réparations les plus urgentes. Bien faire et laisser dire, telle a été notre devise. La conscience du devoir accompli, la chapelle à la disposition des paroissiens ont donné à tous satisfaction.

Le dévouement et la probité des curés et des fabriciens ne méritaient l’injure qui leur est faite en ce jour. Il est vrai que les catholiques sont hors-la-loi et on ne les connaît que pour leur imposer des lois d’exception élaborées au fond des loges.

L’inventaire, dit-on, a pour but d’assurer la transmission des biens à la société cultuelle comme si nous ne pouvions le faire nous-mêmes. Et puis la société cultuelle sera-t-elle fondée ? Si oui, ne sera-t-elle pas dissoute en vertu d’un de ces articles draconiens dont la loi est hérissée ? Ou bien succombera-t-elle sous le poids des réparations pour un immeuble bâti par nos ancêtres et dont la propriété nous est enlevée ? On oublie dans ce cas de nous dire à qui reviendront les biens inventoriés et j’ajoute que ce n’est pas le moindre de nos soucis. La manière dont l’état a remis une dette nationale nous fait redouter la mainmise sur ce qui nous appartient.

Bref, puisque la force prime je droit, je proteste en mon et au nom du conseil de fabrique et avec la grandeur je déclare que nul ne peut librement prendre part à un inventaire sans charger sa conscience. Je serai le témoin attristé de ce que je ne puis empêcher et d’aucune façon que ce soit, je ne prendrai part audit inventaire. Jadis nous avons résisté à un inventaire préalable et les événements nous ont donné raison, ce n’est point pour nous déjuger aujourd’hui. Je souhaite en terminant que la commune, dans la personne de ses représentants prenne comme soin de son immeuble et mette le beffroi à l’abri des inondations périodiques qui pourrissent la charpente et minent le gros œuvre. Ceci dit, j’en appelle à Dieu avec confiance, il est mon maître et le vôtre et comme toujours, il aura le dernier et nous aussi.

Signé : Lamarre, curé de Jouy-le-Châtel, le 24 février 1906